samedi 14 mai 2016

J.G. est en train de mourir


Il est à l’hôpital depuis 1 semaine et demie, il y est entré pour des examens, il avait de l’eau dans les poumons. Ils lui ont trouvé un cancer du poumon qui s'est généralisé, des métastases partout.
Il va mourir, c’est une question de jours.
Faut pas aller à l’hôpital.
Pour l’instant il est dans le déni, faut le comprendre, il devait sortir hier.

Je le connais parce qu’il est journaliste, qu’on a travaillé ensemble, que c’est un bon camarade, toujours prêt pour la déconne. Un peu trop, d'ailleurs. Il est incapable de parler sérieusement. Il s’était spécialisé dans le fait divers sordide, il connait tous les flics et tous les avocats de la région. Toujours de bonne humeur. Il a deux filles de 10 et 12 ans, dont je connais bien la maman (séparée de J.G.) pour l’avoir emmenée quelques semaines en réunions A.A. avant qu’elle décide que les bondieuseries, ça allait bien comme ça, et que les A.A. c’était une bande de culs bénits, et qu’ils aillent se faire voir. Je sais qu’elle repicole de plus belle, elle ne m’appelle plus. Je ne vais pas lui courir après, l’attrait vaut mieux que la réclame.

Les autres trucs avec J.G, c'est qu'il a toujours vécu sa vie comme un acteur comique. Il jouait un rôle de sa composition, comme un autre J.G : José Garcia dans Rire et Châtiment. Le mec tellement drôle, tellement dans la joke infinie (j'ai vu J.G psalmodier pendant des jours le discours en pseudo-allemand de Charlie Chaplin dans le Dictateur, ou parfaire son imitation de Jean-Marie Le Pen) que sa femme se barre tellement elle en a marre de vivre avec un plaisantin. Dans le film comme dans la vraie vie de J.G.

Comment va-t-il se confronter à la mort ?

Dans l’Infinie Comédie, livre-monde illisible de 1500 pages et de David Foster Wallace, que je lis en pénitence de mes péchés contre l’esprit (je ne commets plus de péchés contre la chair car je n’ai plus les moyens) je tombe sur ce passage, sans doute inspiré des longues conversations que l'auteur a eues avec les A.A. de Boston :

« Pendant un Engagement du groupe Drapeau blanc chez le Groupe Ça Fait Chier Mais Faut Pas Boire Quand Même à Braintree en juillet dernier, Don G., sur l’estrade, confia publiquement sa honte de n’avoir toujours pas bien compris ce qu’était une Puissance Supérieure. La 3e des 12 Étapes des AA de Boston consiste à orienter sa volonté Malade vers l’amour de « Dieu tel que nous Le concevons ». La liberté de choisir son propre Dieu est l’un des arguments les plus vendeurs des AA. Vous fabriquez vous-même votre propre conception de Dieu ou d’une Puissance Supérieure ou de Qui/Quoi que ce soit. Or Gately, au bout de dix mois d’abstinence, sur l’estrade du CFCMFPBQM à Braintree, explique qu’il est totalement désemparé et pense qu’il est peut-être préférable que les Crocodiles du Drapeau blanc le secouent par les revers de son blouson et lui disent clairement quel est le Dieu des AA, lui donnent des ordres dogmatiques et stricts afin qu’il puisse enfin orienter sa volonté Malade vers cette fameuse Puissance Supérieure. Il a déjà observé que certains catholiques et fondamentalistes devenus des AA avaient depuis l’enfance la notion d’un Dieu sévère et punitif et il les a entendus exprimer leur Gratitude aux AA de leur avoir permis de passer à une autre notion, celle d’un Dieu aimant, miséricordieux et nourricier. Mais ces types-là avaient au moins une notion, merdique ou non, de Lui/Elle/Ça comme point de départ. On pourrait penser que c’est plus facile, justement, d’Entrer avec zéro schéma conceptuel ou nominal, que c’est plus facile d’inventer un Dieu Supérieurement Puissant à partir de nib et de s’en forger une idée, mais Don Gately assure que ça n’a pas du tout été le cas pour lui jusqu’ici. Ce qui se passe, c’est qu’il suit les conseils spécifiques parcimonieux des AA, s’agenouille chaque matin pour demander de l’Aide, puis chaque soir au coucher pour dire Merci, qu’il ait l’impression de parler à Quelqu’un/chose ou non, et qu’il a réussi à rester sobre jusqu’à ce jour. Mais sa « conception » de « l’angle Dieu », après dix mois de concentration et de réflexion à s’en faire fumer les esgourdes, s’arrête là. Publiquement, devant des AA plutôt durailles et peu enclins à la rigolade, il déclare, à la fois comme un aveu et une plainte, qu’il se sent comme un rat de laboratoire auquel on a appris un seul itinéraire pour atteindre le fromage et qui trottine, trottine ratiquement dans le labyrinthe. Le fromage étant Dieu dans la métaphore. Gately n’arrive pas encore, dit-il, à accéder à une Vue d’Ensemble spirituelle. Le rituel des prières quotidiennes S’il vous plaît et Merci lui donne l’impression d’être un batteur au base-ball qui aligne les coups gagnants et qui, par superstition, refuse de changer de slip, de chaussettes et de routine d’avant-match tant que la série continue. La sobriété étant la série de coups gagnants, explique-t-il. Le sous-sol de l’église est complètement bleu de fumée. Gately trouve que c’est là une conception assez bancale d’une Puissance Supérieure : un itinéraire fromager ou un athlète pas lavé. Il dit que, quand il essaie de dépasser les formules élémentaires automatiques apprises par cœur, du genre Aidez-moi-à-tenir-encore-une-journée-s’il-vous-plaît, quand il s’agenouille à d’autres moments pour prier, méditer, tenter d’arriver à une Vue d’Ensemble spirituelle haut de gamme d’un Dieu selon son entendement, eh bien alors là, c’est le Néant – pas simplement rien mais le Néant, un vide sans limite qui lui paraît pire encore que l’espèce d’athéisme irréfléchi qui était le sien quand il est Entré. Il dit qu’il ne sait pas s’il s’exprime bien, si tout cela a un sens ou si c’est juste symptomatique d’une volonté et d’une « spiritualité » absolument Malades. Et le voilà en train de confier au public de Ça Fait Chier Mais Faut Pas Boire Quand Même des pensées douteuses et obscures qu’il n’aurait jamais osé exposer, d’homme à homme, à Francis le Féroce. Il n’a même pas les couilles de regarder F. F., dans le rang des Crocodiles, au moment où il avoue que cette histoire de conception de Dieu lui donne envie de gerber de trouille. Quelque chose qu’on ne peut ni voir, ni entendre, ni toucher, ni sentir. Ça, d’accord, à la rigueur. Mais quelque chose qu’on ne peut même pas ressentir ? Parce qu’il en est là quand il cherche une entité quelconque à laquelle il pourrait adresser des prières sincères. Le Néant. Quand il essaie de prier, voilà ce qu’il voit dans sa tête, voilà l’image qu’il se fait de ses prières, des ondes cérébrales, un flot ininterrompu, qui irradient sans fin dans l’espace, au-delà de lui-même, sans jamais rencontrer quoi que ce soit, encore moins quelque chose avec des oreilles. Surtout pas quelque chose avec des oreilles, qui l’écouterait un tout petit peu sans s’en tamponner le coquillard. Ça lui fout vraiment les boules, il a honte de parler de ça au lieu de se féliciter d’avoir passé une journée de plus sans ingérer de Substance, seulement voilà, c’est comme ça. Et puis c’est tout. Il n’est pas plus avancé, rapport à la 3e Étape, que le jour où le contrôleur judiciaire est venu le chercher à la maison d’arrêt de Peabody Holding pour le conduire en désintox. Cette idée de Dieu le fait gerber, c’est tout. Et lui fait peur.
Et ça recommence, toujours pareil. Le groupe de gros fumeurs de CFCMFPBQM se lève, applaudit, les hommes sifflent avec deux doigts et rappliquent pendant la pause-tombola pour lui serrer la pogne ou parfois même essayer de l’embrasser.
On dirait que chaque fois qu’il se laisse aller à révéler publiquement tout ce qui foire dans son abstinence, les AA de Boston lui tombent dans les bras pour lui répéter que c’était bon de l’entendre, qu’il doit Continuer à Venir, pour eux sinon pour lui, quelle que soit la signification de cette putain de formule. »


C’est assez bien vu, à défaut de parler aux gens qui ne fréquentent pas les A.A. J'ai eu longtemps les mêmes problèmes que Don Gately. Je crois que je peux me préparer à retourner aux AA après la mort de J.G. avec son ex. Ca ne peut pas me faire de mal, je suis un peu en dehors du programme depuis quelques années. Faut juste qu'elle ait à nouveau envie de s'en sortir.

Aujourd'hui elle doit amener ses filles à l'hôpital pour qu'elles disent au revoir à leur papa.

Ce qui me fait chier, c'est que J.G. avait arrêté de fumer sans difficulté il y a 10 ans, que le cancer du poumon l'a pris en traitre au lieu de s'attaquer à un(e) journaliste de la station dont je tairai le nom qui a eu son diplôme dans une pochette surprise, et que J.G. n'a pas eu le temps de faire ses valises ni de nettoyer sa maison avant son départ proche, contrairement à mon ami J.M, qui a eu trois ans de chimio pour se préparer avant de nous quitter en juin dernier.
J'éprouve donc un sentiment d'injustice divine, malgré mon peu de représentations religieuses.

L'autre truc qui me fait chier, c'est qu'à un Noël récent, je m'étais ouvert à J.G. de mes tendances blackophiles, et que lui, toujours le coeur sur la main, m'avait promis de me présenter une de ses copines bien bronzées pour que je lâche le fantasme pour la réalité. Là, ça me parait assez mal engagé. 
Tu fais chier, J.G.

mercredi 4 mai 2016

Mon voisin n'est plus

J'ai appris que mon voisin d'en face est mort dans la nuit, à 53 ans, d'un cancer du poumon.
Je n'étais même pas au courant qu'il était malade.
Carpe diem.

lundi 2 mai 2016

Hubert Mounier n'est plus

http://www.lemonde.fr/disparitions/article/2016/05/02/mort-d-hubert-mounier-fondateur-du-groupe-l-affaire-louis-trio_4912312_3382.html

C'est la meilleure mauvaise nouvelle de la journée.
L'homme aux mille vies (produit par le bassiste d'XTC) et Mobilis in Mobile sont d'excellents albums de french rock'n'variété.
53 ans, crise cardiaque.
Carpe Diem.

mardi 19 avril 2016

Les aventures de Steve Roach et Robert Logan (2016)

Le premier est triste à mourir, genre piano glacé et stratosphérique à la Harold Budd + Brian Eno sans antideps



Le second est plus inattendu, rythmique et organique.

samedi 2 avril 2016

SÓLARIS by Ben Frost & Daníel Bjarnason (2011)

Découvert à l'écoute et en regardant la saison 1 de Fortitude, Ben Frost signe ici un hommage à tous les Solaris de la Terre : celui de Stanislas Lem, celui de Tarkovsky, et peut-être même celui de Georges, cloné...
L'album est vraiment splendide, bien qu'un peu froid...

samedi 27 février 2016

Dr. Phibes And The House Of Wax Equations : Whirlpool (1991)

Grâce à l'article précédent, j'ai découvert le Docteur Phibes.


Et le shoegaze.

Il va me falloir un moment pour digérer tout ça.
En attendant, je vous mets leur premier disque, qui me rappelle le premier Psychedelic Furs.
C'est dire.







http://www.mediafire.com/download/fjva6cf3v5yw11d/Dr._P_%26_TH_Of_Wax_E.zip


mardi 23 février 2016

Linear Bells : The House Of Wax Equations (2016)



https://linearbells.bandcamp.com/album/the-house-of-wax-equations

C'est une cyber-connaissance (je n'ose parler de cyber-pote, car nos rapports sont cordiaux, mais je ne l'ai jamais rencontré IRL, et il ne faut jamais laisser la promiscuité internetique dégénérer en familiarité) qui fait du drone avec des guitares.
Il fait référence à "Dr Phibes and the House of Wax Equations" comme source d'inspiration; du coup, je vais voir, ça a l'air assez prometteur.


dimanche 21 février 2016

Grasscut : Curlews (2015)



Extrait de leur dernier album "Everyone was a bird", toujours aussi réussi comme tout ce qu'ils font ces deux-là...

samedi 6 février 2016

Sainkho Namtchylak - Like a bird or spirit, not a face (2015)




"Magnétique, la musicienne chamane téléporte ses aurores boréales et ses steppes mongoles dans le désert des Touareg. Sidérant."
http://www.telerama.fr/musiques/like-a-bird-or-spirit-not-a-face,137653.php


http://www.theguardian.com/music/2016/jan/21/sainkho-namtchylak-like-a-bird-or-spirit-not-a-face-review-mixing-the-steppe-and-the-sahara

http://www.borguez.com/uabab/sainkho-namtchylak-like-a-bird-or-spirit-not-a-face/

Un lien est caché dans un de ces articles, qui mène vers le disque.
Bon courage.

mercredi 3 février 2016

Ronu Majumdar Bansuri - Hollow Bamboo (2000)

L'autre nuit j'ai révé d'un disque de Ry Cooder qui n'existe pas, et qui était bien sympa.
Alors au réveil, j'ai cherché... c'était peut-être bien celui-là.
Qui me donne envie d'aller jouer du pipeau à six schtroumps sous des cieux plus cléments.


http://www.mediafire.com/download/xj3oez6dmhqbh7c/RMB_HB.zip